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geoisie ; les projets variaient à l’infini, source intarissable de calomnies pour le parti républicain. Bref, ils n’osèrent pas, ils ne pouvaient pas oser ! Quand il y va de la fortune et de la liberté publique, nul en particulier n’a le droit de se charger de la réforme. Huber est convenu avec moi, à Doullens, qu’en prononçant le 15 mai la dissolution de l’Assemblée, il avait commis un acte d’usurpation. Le gouvernement provisoire se fût trouvé dans le même cas, en statuant, de son chef, sur la nécessité du culte et du gouvernement, et sur l’organisation du travail. L’opinion n’étant pas faite, il ne lui appartenait pas de la devancer. Après tout, la misère du peuple est encore un moindre mal que l’arbitraire dans le pouvoir. Le droit au travail, décrété en principe par le Gouvernement provisoire, fut renvoyé pour l’organisation à l’Assemblée constituante, où les contradicteurs ne pouvaient manquer d’être en majorité. Croyez donc que les représentants des intérêts menacés allassent, dans des conditions pareilles, se dévouer à l’émancipation du prolétariat !…

Ainsi la démocratie, quelle que fût sa volonté et sa foi, se trouvait en face de questions sans fond ni rive. De toutes parts, la tradition de 89 aboutissait à l’inconnu. On ne pouvait pas reculer, on n’osait plus avancer. Il semblait bien à tous que la moralité publique s’était élevée, la richesse accrue, les principes d’ordre et de bien-être multipliés en tous sens ; qu’il était juste, par conséquent, raisonnable, utile, de développer les libertés publiques, de donner plus d’essor à la liberté individuelle, d’émanciper les consciences, de faire au peuple une part