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Ainsi la religion, symbolique de la société, fut de tout temps la première manifestation intellectuelle du peuple ; le sacerdoce, son premier maître.

Sans que la révolution témoignât la moindre haine pour le culte, il y avait lieu de se demander, en 1848, si, d’après le principe de la liberté religieuse et le progrès de la raison publique, on devait entretenir plus longtemps, aux frais de la nation, un corps aussi redoutable que le clergé ; si le temps n’était pas venu pour la société française de commencer la renonciation au culte, considéré comme principe de morale et instrument d’ordre ; s’il ne convenait pas à cette heure, dans l’intérêt des mœurs elles-mêmes, et sans dogmatiser aucunement, de transporter l’autorité religieuse au père de famille, comme on venait de transporter l’autorité politique au citoyen ; d’apprendre aux masses que la prière n’est qu’un supplément de la réflexion, à l’usage des enfants et des simples ; les sacrements et les mystères, une allégorie des lois sociales ; le culte, un emblème de la solidarité universelle ; de leur dire, enfin, que l’homme qui n’a de vertu privée, de fidélité aux engagements, de dévouement à la patrie, que par crainte de Dieu et peur du bourreau, loin d’être un saint, est tout simplement un scélérat ?

Car, si l’on continuait de penser, avec quelques-uns, que le peuple ne peut se passer de culte ; que s’il ne va plus à la messe, il dévastera les campagnes, brûlera les granges, pillera les magasins ; qu’en admettant même, comme fait notoire, la décadence du catholicisme, la seule conséquence à tirer de ce fait serait de remplacer la religion offi-