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pacité, s’élèvent à une condition d’aisance à laquelle souvent ne parviennent pas les entrepreneurs et patentés ; de même que parmi ces derniers, quelques-uns obtiennent des bénéfices qui dépassent de beaucoup le revenu moyen des bourgeois. Mais ces inégalités, tout individuelles, et qu’on pourrait considérer presque comme des anomalies, n’affectent point les masses ; et comme la classe moyenne, composée en général des producteurs les plus habiles et les plus énergiques, demeure fort au-dessous, pour la sécurité et les garanties, de la classe bourgeoise ; de même le prolétariat se compose d’une multitude pauvre, sinon misérable ; n’ayant toute sa vie du bien-être que le rêve ; connaissant à peine, en beaucoup de lieux, l’usage du blé, de la viande et du vin ; chaussé de sabots, vêtu en toute saison de coton ou de toile, et dont un grand nombre ne sait pas lire. Les économistes ont peint, en traits émouvants, la misère du prolétariat ; ils ont prouvé, jusqu’à l’évidence, que dans cette misère était la cause de l’affaiblissement de la moralité publique, et de la dégradation de la race. La France est le pays de l’Europe où se trouve le plus grand écart entre la civilisation et la barbarie, où la moyenne d’instruction est la plus faible. Tandis que Paris, centre du luxe et des lumières, passe à juste titre pour la capitale du globe, il est dans les départements une foule de localités où le peuple, à peine affranchi de la glèbe, et déjà corrompu par le salariat, semble avoir rétrogradé sur le moyen âge.

Le pays compte au delà de 36 millions d’habitants. Son produit annuel est d’environ 9 milliards,