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tout à l’heure, avec moins d’égards pour les préjugés du pays, avec moins de religion démocratique, les auteurs de ce coup de main, tenant plus de compte de leur position que de leur principe, avaient voulu profiter de leur succès pour engrener la Révolution. Qu’ils sachent tous, néanmoins, qu’en rappelant ici leur timidité, je ne leur en fais aucun reproche, et puissent-ils eux-mêmes n’en éprouver pas plus que moi de regret ! Au lieu de présumer, comme d’autres, la volonté nationale, ils ont préféré l’attendre ; leur premier acte a été de mettre en pratique la théorie qu’ils venaient de faire triompher, au risque d’en perdre bientôt, par l’incapacité de la multitude, tout le fruit : aucun blâme ne peut les frapper. Et si en présence des faits qui ont suivi, on se prend à regretter, par moments, que des chefs populaires aient poussé aussi loin la foi politique, ces mêmes faits, nécessaires d’ailleurs à l’éducation nationale, ne font que relever davantage leur vertu.

Que signifiait cependant dans la bouche des hommes de février, cette parole si vaste, adressée au peuple, Sois libre ? quelles étaient les chaînes que nous avions à rompre, le joug qu’il fallait briser, l’oppression dont nous devions disperser les ressorts ? sur quoi portait enfin cette effusion de liberté qu’on annonçait ?

Car toute révolution est, par essence, négative : nous verrons même qu’elle ne peut ni ne doit être jamais que cela. Celle de 89, dans ce qu’elle a eu de décisif, de réel et d’acquis, n’a pas été autre chose. Y avait-il donc pour nous matière à négation, en février ? restait-il quelque chose à abolir, ou