Page:Proudhon - La Révolution sociale démontrée par le coup d’État du 2 décembre.djvu/228

Cette page n’a pas encore été corrigée

tige, ces émigrés avaient-ils pu le supplanter, lui, le triomphateur de 20 ans, l’élu de 5 millions de suffrages ? L’intrigue seule, même avec les Talleyrand et les Fouché, n’opérait pas de ces miracles. C’était donc une surprise, honteuse, ridicule, dont la France tôt ou tard voudrait avoir raison, et dont lui-même, le vieil Empereur, serait appelé à faire justice.

On faisait grand bruit de la Charte. Mais pouvait-il croire, après ce qu’il avait vu de tout ce parlementage, et sous la Constituante, la Législative, la Convention, et sous le Directoire ; pouvait-il croire que pour ce chiffon de papier la France se fût donnée aux Bourbons ?... Plus il y pensait, plus la restauration devait lui paraître misérable, irrationnelle.

C’était pourtant là, dans la Charte, que se trouvait le mot de l’énigme. Ce qui avait déterminé la chute de l’Empereur était l’idée politique et sociale de 89, abandonnée par lui, noyée dans les listes de conscription et les constitutions de l’empire. Ce qui faisait la fortune des Bourbons était cette même idée de 89, affirmée par eux, après 25 ans de résistance, sous le nom de Charte. Rien n’était plus logique que cette expulsion et cette restauration ; rien de plus légitime, à cette condition, que la Légitimité. Ainsi va la révolution.

L’ex-empereur eut le temps de s’en convaincre, pendant les dix mois qu’il passa à l’île d’Elbe. Il put suivre delà les actes du Congrès de Vienne, reprenant les bases du traité de Westphalie ; les premiers débats des chambres de la restauration ; observer l’essor de l’industrie, de la littérature et de