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Certes, Napoléon fut un grand virtuose de batailles et de victoires : toute sa vie est une épopée, dans le goût du peuple et des anciens. Héros incomparable, luttant contre les dieux et les hommes, si profond dans ses calculs qu’il peut défier la fortune, et vaincu seulement par l’inflexible destin : il y a dans cette carrière de quoi composer un poème vingt fois long comme l’Iliade, un Mâhabhârata. C’est ainsi, du reste, que le peuple comprend Napoléon, et qu’il l’aime. La raison d’état de la révolution a rejeté l’Empereur ; la spontanéité populaire lui donne asile : l’élection du 10 décembre n’est elle-même qu’une protestation de cette poésie des masses contre l’inexorable histoire. Comme action politique, la vie de l’Empereur ne demande pas cent pages, et si pour plus d’évidence on veut suivre la filiation chronologique, il n’en faudra pas 25. Toute cette série de batailles, qui nous a valu tant de trophées, qui nous a coûté tant de trésors et tant de sang, se réduit à une trilogie militaire, dont le premier acte s’appelle Aboukir, le deuxième Trafalgar, le dernier Waterloo.

Un mot seulement sur ce dernier exploit.

Napoléon, après les adieux de Fontainebleau, ne pensait point qu’il fut fini. Sa raison admettait la chance des combats, les conséquences de la défaite : elle ne pouvait se faire à l’idée du rétablissement des Bourbons. De leur légitimité, de leur droit divin, naturellement il en riait : mais par quel talisman ces princes, oubliés depuis 25 ans, dédaignés de la coalition, odieux à la nation française, avaient-ils ressaisi leur couronne ? Comment, en un jour, sans armée, sans budget, sans pres-