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18 brumaire n’avait que la moitié des talents qu’exigeait ce rôle.

Bonaparte, en effet, traitant la politique exactement comme la stratégie, gouvernant les peuples comme il commandait les armées, toute sa carrière, si glorieuse pour un barde, n’est plus aux yeux du publiciste qu’une infraction perpétuelle aux lois élémentaires de l’histoire. Il se comparait aux conquérants fameux, Alexandre, César, Charlemagne ; et certes, à ne considérer que les coups, il pouvait encore passer pour modeste. Mais il ignora, ou il oublia que ces hommes fameux représentaient l’idée, la nécessité tendancielle de leur siècle ; qu’en eux les peuples reconnaissaient leur propre incarnation, leur génie ; qu’ainsi Alexandre, c’était la confédération hellénique et sa prépondérance sur l’Orient ; que César, c’était le nivellement des classes romaines et l’unité politique des nations groupées autour de la Méditerranée, unité qui impliquerait un jour la cessation de l’esclavage ; que Charlemagne enfin, c’était l’éducation par le christianisme des races du Nord, et leur substitution dans l’initiative humanitaire aux races du midi.

Or, quelle idée représentait, au 19e siècle, Napoléon ? La révolution française ? C’était bien ce que lui disait son Sénat, et ce qu’il lui arrivait aussi par moments d’entrevoir. Mais il est évident qu’aux yeux de l’Empereur la révolution n’était plus qu’une lettre morte, un billet protesté et impayé, passé par profits et pertes, qui lui servait, au besoin, à motiver son titre, mais dont il répudiait l’origine.

La révolution française avait eu pour but :