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on devait logiquement s’attendre à ce que, tandis qu’il serait en butte aux attaques de la majorité, il serait appuyé par la gauche républicaine. Mais l’évolution qui venait de s’accomplir dans l’Assemblée était loin d’entraîner le pays. Pendant que majorité et minorité devenaient de plus en plus hostiles à Bonaparte, les masses conservatrices, aussi mécontentes de la majorité que le parti républicain l’était de la Montagne, effrayées surtout de 1852, continuaient à se grouper autour du Président. C’est dans ces dispositions que le coup d’état trouva le pays. Le 2 décembre, quand les républicains se levèrent pour la défense de la constitution, les conservateurs se levèrent contre les républicains. Le coup d’état fut ainsi détourné, comme l’élection de 1848, au bénéfice de ceux qu’il menaçait : après avoir commencé par une invocation à la révolution, il finit par une Saint-Barthélémy de révolutionnaires.

Puisque nous étions en dictature, il appartenait au dictateur, tout en prenant ses sûretés contre les hommes, de se prononcer une bonne fois sur les choses. Que ne disait-il, à présent que rien ne le pouvait gêner, et de manière à être entendu : Je suis la révolution, et la démocratie, et le socialisme ! Comment, à peine échappé du traquenard des questeurs, se laissait-il aller une seconde fois à l’entraînement fatal de la réaction ? Certes, on ne saurait rapporter à Louis-Napoléon ces tables funèbres, dressées par les commissions militaires, et qui ont survécu à l’état de siège. Connaît-il un sur mille des individus proscrits ? sait-il les noms de tous ces citoyens, ouvriers, laboureurs, vignerons, industriels,