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des consciences ! Quelques débauchés, sans idées et sans vergogne, quelques jacobins décrépits, pour qui rien n’avait marché depuis Robespierre, englués par la parole de nos jeunes missionnaires : voilà les conversions éclatantes dont s’enrichirent à cette époque les fastes de la foi. Du reste les mêmes phénomènes qui avaient éclaté en 1801, dans la bourgeoisie, reparurent en 1825, dans le peuple. C'était le tour du peuple de faire à la religion de ses pères les derniers adieux. J’ai été témoin, dans ma ville bigote, de cet accès de dévotion intermittente, j’ai pu en observer tous les symptômes. J’ai vu hommes, femmes, jeunes gens, jeunes filles, se croiser, se confesser, répandre au pied des autels la surabondance de leur tendresse. Parce qu’ils étaient amoureux, ils se croyaient fidèles. Mais ce n’était que feu de paille, servant de chaufferette à la sensualité, comme il parut aux intrigues des jolies chanteuses avec les vicaires mondains. Les missionnaires, par une séduction pieuse, avaient eu l’idée de omposer leurs cantiques sur les airs de la Révolution. Etrange façon de la faire oublier ! En 1829, l’esprit révolutionnaire soufflait de partout ; le libertinage avait repris ses droits ; le peuple et la classe moyenne, secoués par la mission, avaient appris à se connaître : on s’en aperçut aux élections de 1830, où le clergé épuisa son influence et qui décidèrent la catastrophe de juillet. Avec le trône s’écroula la religion. Les porte-croix des missionnaires, devenus gardes nationaux, se mirent partout à détruire, au chant de la Marseillaise, le monument de leur piété : fiez-vous maintenant à la conversion d'une race révolutionnaire !