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se rapprochent dans une alliance fraternelle. Pendant ce temps, d’autres États se forment sur le Danube, les Balkans, des débris de l’empire Ottoman, dont l’évolution paraît finie. Partout la force, en se balançant elle-même, apparaît comme l’organe et la sanction du droit.


13. Des traités de paix. — Sur la paix, comme sur la guerre, les auteurs sont hors de la vérité comme de l’expérience, et leurs idées sont les plus embrouillées qui se puissent voir. Comment auraient-ils des idées justes ? Le droit de la force, selon eux, n’existe pas ; c’est une contradiction dans les termes. La guerre ne peut être juste que d’un seul côté ; elle résulte nécessairement d’une injure commise ; la victoire par elle-même ne prouve rien. L’état de guerre est un état de subversion : en conséquence, et c’est la conclusion de Vattel, la paix est le retour des puissances antagoniques à leur état normal,

Il y a dans ces paroles autant d’erreurs que de mots. Les États sont des forces organisées dont la loi est de se développer, aux dépens de ce qui les entoure, indéfiniment. Dès que deux États viennent à se rencontrer, ils tendent donc fatalement à s’absorber l’un l’autre ; d’où il résulte que leur état normal est de se faire équilibre, sinon de combattre jusqu’à ce que le plus fort enlève le plus faible. Cet équilibre ne peut durer toujours ; l’activité intérieure des états modifie constamment leur puissance et en rend le développement fort inégal. Qu’est-ce donc que la paix ? Une suspension d’armes, causée, soit par la lassitude des puissances, soit par l’égalité de leurs forces, et réglée par un traité. Voilà tout : il n’y a pas autre chose dans ce mot de paix ; et de même qu’on a dit que la véritable garantie de la paix est de se tenir toujours prêt à la guerre, de même la connaissance de la paix est tout entière dans l’étude de la guerre.