Page:Proudhon - La Guerre et la Paix, Tome 2, 1869.djvu/90

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

autres un motif de guerre. — Cette question est célèbre dans les fastes du droit des gens. Grotius, qui le premier la souleva, et la plupart des politiques se prononcent pour l’affirmative. Vattel hésite, fait des façons, puis, comme un sot qui ne sait que dire, se range à l’opinion de la majorité. Pinheïro-Ferreira rejette cette doctrine, mais sans motifs suffisants. Personne ne fait cette réflexion si simple, indiquée par l’histoire, que l’État est un être organisé, une force vivante, dont la loi est de s’accroître constamment, à moins qu’une force égale ou supérieure ne l’arrête. Il est absurde d’incidenter ici sur les causes de cet accroissement, si elles sont honnêtes ou illicites, de parler d’ambition, etc. Ces lieux communs sont de pur bavardage. Tout état tend à s’accroître ; en s’accroissant il menace la souveraineté de ses voisins : voilà le principe. Tout État qui se sent menacé a par conséquent le droit, ou de chercher pour lui-même une compensation, ou de s’opposer à l’accroissement, s’il peut : question de prévoyance et d’opportunité, mais surtout question de force.

En fait, ce sont les progrès extraordinaires d’une puissance qui amènent entre les nations l’établissement de la politique d’équilibre : c’est ainsi que la prépondérance de la maison d’Autriche, sous Charles-Quint, a abouti à la paix de Westphalie ; la suprématie de la maison de Bourbon, sous Louis XIV, à la ligue d’Augsbourg et à la paix d’Utrecht ; la suprématie de l’empire français sous Napoléon Ier, à la paix de Vienne en 1814 et 1815.

La même cause détermine ces innombrables fusions et incorporations dont l’Europe a donné le spectacle depuis quelques siècles. Ainsi les États de la Confédération germanique ont été réduits successivement, du nombre de trois cents et plus à celui de trente-huit et tendent à se réduire encore. Ainsi nous voyons l’Italie marcher vers son unité ; ainsi la Belgique et la Hollande, un moment divisées,