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guerre de Belgique, guerre de Crimée, guerre d’Italie : il n’en est pas une qui ne soit amenée par une question de souveraineté, souveraineté d’un principe ou souveraineté d’un État ; pas une, par conséquent, dans laquelle chacune des puissances ou idées antagoniques ne combatte pour sa propre existence.

Dans ces conditions, peut-on raisonnablement invoquer, en faveur de la course, du pillage réciproque des particuliers, le principe de la solidarité des nations et des gouvernements ? En aucune façon. La guerre a lieu entre les États pour la souveraineté, non pour la spoliation ; elle implique par conséquent que les sujets de l’État vaincu suivent la condition de cet État, ce qui veut dire que leur existence politique change, mais qu’ils conservent leurs propriétés.

Le légistes ne l’entendent pas ainsi. Les faits ont beau leur crever les yeux, ils se refusent à les reconnaître. Pour eux la guerre est toujours amenée, soit d’un côté, soit de l’autre, par une cause injuste ; la justice de son action est unilatérale ; malheureusement ses décisions ne prouvent rien par elles-mêmes, elles ne valent qu’en vertu du droit des gens volontaire. Que dit donc ici ce fameux droit des gens volontaire ? Que contre l’agresseur ou défendeur de mauvaise foi tous les moyens de contrainte, notamment la piraterie, peuvent être employés ; mais, attendu qu’à la guerre les deux parties doivent être présumées également en droit, et que chacune a le droit de faire ce que fait l’autre, le droit de piraterie, acquis à celle des parties dont la cause est juste, leur devient commun à toutes deux. Il semblerait, n’est-il pas vrai, que dans l’incertitude du droit toute piraterie devrait être interdite. Point du tout, selon les auteurs, le droit qu’on ne saurait ici dénier à l’une des deux au moins crée une tolérance en faveur de l’autre !