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son Traité des Droits et des Devoirs des nations neutres, a mis toute son éloquence à justifier cette coutume.

Il est fastidieux, en réfutant des adversaires, de rebattre sans cesse la même vérité ; mais il l’est bien davantage de voir des esprits sérieux débiter toujours les mêmes niaiseries.

Les nations politiquement constituées sont des organismes, des forces vivantes, dont la loi est de rayonner et de se développer indéfiniment, absorbant et s’incorporant tout ce qui tombe dans leur sphère d’action. Aussitôt que deux puissances viennent à se rencontrer, l’antagonisme se déclare entre elles, en raison même de leur force acquise. Tantôt il y a lutte, d’autres fois, et tel est le caractère de l’état de guerre à notre époque, elles se font seulement contre-poids et se tiennent en équilibre. Il suit de là que la guerre, ou la lutte des groupes politiques, a pour principe et pour objet la souveraineté, qu’elle est de sa nature juste des deux parts, et que ses jugements, rendus nécessaires par la marche générale des choses, sont justes et légitimes. Parcourez la liste des guerres qui ont éprouvé depuis trois mille ans l’humanité, vous n’en trouverez pas une sur vingt qui sorte de cette règle. Sans remonter plus haut que le seizième siècle, en citerait-on une seule qui fît exception ? Guerres de religion, soulevées par la Réforme, guerre de l’Europe chrétienne contre les Turcs, guerre pour la prépondérance du Saint-Empire, devenu purement honorifique ; guerres des Pays-Bas, pour l’indépendance de la Hollande et la formation de l’unité française ; guerre pour la succession d’Espagne, guerre pour la succession d’Autriche, guerre pour la succession de la Pologne, guerre de Sept ans pour la formation d’un État du Nord, la Prusse, faisant contre-poids à l’Autriche ; guerre pour l’indépendance américaine, guerres de la révolution, guerres de l’empire, guerre d’Espagne, guerre de Grèce,