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sicles, eux qui permettent d’employer à la guerre la tromperie, se prononcent ici pour la négative.

Après les batailles de Lutzen et Bautzen, Napoléon consentit un armistice de quarante jours, en apparence pour traiter de la paix avec les puissances alliées, en réalité, dit son historien M. Thiers, avec le dessein de réorganiser ses armées et de commencer une nouvelle campagne avec des chances supérieures. Parmi les historiens, les uns blâment les alliés de s’être ainsi laissé duper et d’avoir accordé au conquérant à moitié abattu un répit précieux ; M. Thiers, au contraire, dans son Histoire du Consulat et de l’Empire, reproche à Napoléon d’avoir fait un faux calcul, attendu que, pendant que Napoléon augmentait ses armées de 100,000 hommes, les alliés augmentaient les leurs du double.

Il y a dans toutes ces critiques de narrateurs et de diplomates un mépris de la bonne foi, une admiration de l’astuce et un amour de la force brutale, qui font peine. Je ne sais quelle fut la pensée secrète de l’empereur et de la coalition : ce qui est sûr, c’est qu’ils se comportèrent l’un et l’autre selon les principes de la plus exacte justice. La guerre est la lutte des forces, dirai-je toujours. Napoléon combattait pour conserver à la France la suprématie sur l’Europe, suprématie momentanément obtenue par le débordement de l’idée révolutionnaire ; les puissances coalisées combattaient pour leur indépendance et leur autonomie. La question était celle-ci : La civilisation du dix-neuvième siècle se poursuivra-t-elle sous le protectorat de la France, ou bien par le développement parallèle d’États équilibrés ? Seule la force des armes pouvait décider une pareille question. Il fallait donc que les deux partis réunissent toutes leurs forces, sans quoi la victoire eût toujours été douteuse. Or, c’est à quoi servit l’armistice du 3 juin 1813. Je conclus en conséquence que, comme la guerre