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disent-ils, exige, comme tout métier, une vocation particulière. Si c’est un métier, pourquoi ne serait-il pas permis d’en faire commerce ? Donc, à moins de faire un crime à l’ouvrier de défendre son patron, je ne vois pas qu’il y ait rien à reprocher à des troupes mercenaires.


9. Des prisonniers. — « En cas de nécessité, dit Vattel, par exemple quand on a affaire à une nation féroce, perfide, formidable ; quand on ne peut pas garder de prisonniers ; quand, etc., il est permis de faire mourir les prisonniers de guerre. Mais, ajoute le casuiste, il faut être bien sûr que notre salut exige un pareil sacrifice. » — C’est ce qui eut lieu après la bataille d’Azincourt et pendant l’expédition d’Égypte, sous le commandement du général Bonaparte.

« Peut-on aussi réduire en esclavage les prisonniers de guerre ? — Oui, répond encore Vattel, mais dans le cas seulement où l’on serait en droit de les tuer. — Oui, reprend un commentateur, mais seulement à titre d’indemnité de guerre. »

Il est clair que Vattel et ceux qui sont venus après lui parlent au hasard sur des choses dont ils ne savent seulement pas le premier mot. Ici les juristes sont à bout de raison ; le droit des gens volontaire ne leur sert absolument de rien. Si du moins il était possible de soutenir, d’abord que la guerre est toujours la répression d’un crime, en second lieu que le vaincu est toujours et nécessairement le vrai coupable, comme on le supposait pour l’ordalie ou jugement de Dieu, la question n’offrirait aucune difficulté. Le prisonnier serait voué à la mort par le fait même de sa défaite, et si le vainqueur, pressé par la nécessité, ne pouvait le réserver pour la servitude ou pour l’échange, l’infortuné n’aurait pas à se plaindre. Mais une semblable hypothèse est par trop absurde ; la théorie des