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des hommes d’état de l’Angleterre. Point de doctrine dans l’école, point de règle dans la conscience des nations, point de bonne foi dans les gouvernements.

Pour moi, considérant que le mouvement de la civilisation n’est autre chose que l’évolution des puissances politiques et la guerre leur conflit ; considérant en outre que toutes ces puissances, bien que souveraines et indépendantes, sont cependant du plus au moins solidaires, je commence par poser en principe que, lorsque la guerre éclate entre deux nations, toutes les autres y sont plus ou moins intéressées, qu’en conséquence il n’y a ni ne saurait y avoir de véritables neutres.

Mais attendu, d’une part, que la guerre est légitime par nature, puisqu’il s’agit de savoir si tel État arrivera à l’existence ou sera refoulé dans le néant ; si tel autre prendra un nouvel accroissement ou subira une diminution ; si celui-ci sera absorbé dans celui-là ; attendu, d’un autre côté, que la guerre doit être autant que possible circonscrite et restreinte à son objet, on convient de considérer comme neutres tous les états qui se déclarent étrangers et indifférents au changement.

Ainsi, lors de la séparation de la Hollande et de la Belgique, les puissances signataires des traités de Vienne consentirent, à la demande de la France et de l’Angleterre, à rester neutres. Elles considérèrent, peut-être à tort, que la division du royaume des Pays-Bas, constitué par le congrès, ne pouvait nuire à l’équilibre général, objet spécial des traités, pourvu qu’il fût réservé que la Belgique, l’État nouveau-né, ne pourrait dans aucun cas faire retour ni à la France, ni à l’Autriche, qui l’avaient possédé jadis : c’est cette réserve des grandes puissances qui constitue la neutralité belge. La même abstention a été observée pendant la dernière guerre d’Italie. Que les diplomates le sachent ou l’ignorent, peu importe ; le principe de cette