Page:Proudhon - La Guerre et la Paix, Tome 2, 1869.djvu/74

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

nements des sujets, que la cause leur est commune, et que par conséquent leur responsabilité est la même. Mais j’ajoute, en vertu des mêmes principes, et ici je vais plus loin que Pinheïro, que l’antagonisme n’existe véritablement qu’entre les groupes, c’est-à-dire entre les deux personnes morales qu’on appelle États ; en sorte que, même dans une guerre à outrance ayant pour but l’absorption intégrale de l’une des puissances par l’autre, les sujets de ces puissances, pas plus que les soldats eux-mêmes, ne doivent se considérer comme personnellement ennemis. La guerre de Crimée, dans laquelle Français et Russes, dans l’intervalle des luttes les plus acharnées, se rapprochaient en amis, en hôtes, échangeaient une pipe de tabac, une gorgée d’eau-de-vie, est le plus beau commentaire que je puisse donner de ma pensée et de la manière d’exercer le droit de la force.


6. Des alliances. — Sur cette matière, tout ce que j’ai rencontré dans les auteurs est politique d’antichambre, indigne de la plus légère mention. Sortons de ces vulgarités.

Les lois de la force régissent seules l’existence extérieure des états.

En vertu de ces lois, toute puissance est par nature hostile aux autres et en état de guerre avec elles. Elle répugne à l’association, comme à la sujétion. Son organisation intérieure la pousse à l’envahissement ; à plus forte raison elle tend à une absolue indépendance, et se montre d’autant plus jalouse de son autonomie, qu’elle soutient avec ses voisines des rapports plus nombreux et plus fréquents.

Tant qu’un État conserve sa force d’action intérieure et extérieure, il est respecté ; dès qu’il vient à la perdre, il se disloque ; tantôt une province, tantôt une autre se révolte contre le pouvoir central et se sépare du tronc ;