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elle est manifestement inutile. « Alors, dit-il, c’est opiniâtreté, non valeur. »

Mais, dans le système de Vattel, qui n’admet la guerre juste des deux côtés qu’au moyen de la fiction du droit des gens volontaire, et qui refuse toute qualité juridique à la force, cette proposition est de sa part une inconséquence.

Il se peut que le plus fort soit un agresseur injuste ; comment blâmer un homme qui, assailli par quatre brigands, se défend jusqu’au dernier soupir plutôt que de livrer ou sa fille, ou sa femme, ou sa fortune, le pain de ses enfants ? Dans le cas même le plus favorable, celui d’une guerre de conquête ou de simple prééminence, comment blâmer un peuple qui préfère la mort à la domination ? De ce prétexte d’inutilité de la défense résultera la vengeance du vainqueur, je le sais bien ; c’est ainsi que, dans un siége, les habitants qui résistent à l’assaut s’exposent à être passés au fil de l’épée. Mais la vengeance de l’ennemi ne fait pas que la résistance soit injuste : Vattel devait d’autant mieux le comprendre qu’il nie le droit de la force.

Pour moi, qui affirme la réalité du droit de la guerre et qui fais de ce droit la sanction du droit des gens, mais qui en même temps ne puis oublier que la guerre peut avoir pour but l’extinction d’une nationalité, je ne me prononce qu’avec réserve. Si la guerre est, comme je le dis, la sanction du droit des gens, nous devons tous en reconnaître la loi, qui est celle de la force, d’autant mieux que céder à la force n’implique pas de honte. Mais s’il s’agit d’incorporation ou d’émancipation politique, alors il me semble que les deux puissances belligérantes sont seules juges du prix qu’elles attachent respectivement à leur extension ou à leur liberté, et conséquemment du degré de leur résistance. Car se défendre à outrance peut devenir en certains cas un acte d’héroïsme, respectable au vainqueur lui--