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J’ai cité précédemment M. Oudot, concluant de cet état de nature des souverains, dénoncé par Ancillon, et de cette absence de sanction du droit des gens, à une centralisation de toutes les puissances de la terre. Je renvoie le lecteur à cette citation, tome Ier, p. 134.

Mais une semblable exagération du principe d’autorité serait la plus impraticable des utopies, et il est surprenant qu’elle n’ait pas suffi pour avertir les honorables légistes qu’ils faisaient fausse route. L’idée d’une souveraineté universelle, rêvée au moyen âge et formulée dans le pacte de Charlemagne, est la négation de l’indépendance et de l’autonomie des États, la négation de toute liberté humaine, chose à laquelle États et nations seront éternellement d’accord de se refuser. De plus, ce serait l’immobilisme de l’humanité, absolument comme le despotisme dans un état, ou le communisme dans une tribu, est l’immobilisation de cet état et de cette tribu. La civilisation ne marche que par l’influence que les groupes politiques exercent les uns sur les autres, dans la plénitude de leur souveraineté et de leur indépendance ; établissez sur eux tous une puissance supérieure, qui les juge et qui les contraigne, le grand organisme s’arrête ; il n’y a plus ni vie ni idée.

Non, il n’est pas possible que le droit des gens soit dépourvu de sanction, comme le disent ses prétendus inventeurs les modernes jurisconsultes. Le droit des gens a pour sanction naturelle, légitime, efficace, la guerre, faite selon les règles qui se déduisent logiquement du droit de la force. — Non, il n’est pas vrai que la guerre, ou l’emploi de la force comme instrument de justice entre les nations, doive être assimilée, ainsi que le font les mêmes jurisconsultes, aux moyens de contrainte usités dans la procédure civile et criminelle, et que par conséquent elle requière, pour sa propre légitimation, l’exequatur d’une autre souveraineté.