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d’une autorité supérieure, devant laquelle seraient portés les litiges internationaux, avec pouvoir de les juger et de donner exécution a ses arrêts. Mais c’est ce qui ne saurait avoir lieu, et c’est pourquoi, disent les auteurs, le droit des gens, comme le droit de la guerre, se réduit à une fiction.

En deux mots, la théorie des publicistes modernes, fondée sur une analogie, aboutit à l’hypothèse d’une monarchie, république ou confédération universelle, précisément ce contre quoi les nations protestent avec le plus d’énergie, et dont la seule prétention a causé dans tous les temps les guerres les plus terribles. Hors de cette omniarchie, le droit des gens, selon eux, reste un desideratum de la science, un vain mot. Les nations, les unes à l’égard des autres, sont à l’état de nature.


« S’il est vrai que les souverains et les États, en leur qualité de personnes morales, soient justiciables de la même loi qui sert à déterminer les rapports des individus, chacun d’eux a sa sphère d’activité qui est limitée par celle des autres ; là où la liberté de l’un finit, celle de l’autre commence, et leurs propriétés respectives sont également sacrées ; il n’y a pas deux règles de justice différentes, l’une pour les particuliers, l’autre pour les États… Ce droit existe, mais il manque d’une contrainte extérieure ; il n’y a point de pouvoir coactif qui puisse forcer les différents États à ne pas dévier, dans leurs relations, de la ligne du juste… Les souverains sont encore dans l’état de nature, puisqu’ils n’ont pas encore créé cette garantie commune de leur existence et de leurs droits, et que chacun d’eux est seul juge et seul défenseur de ce qui lui appartient exclusivement, et que les autres doivent respecter[1]. »

  1. Ancillon, Tableau des révolutions du système politique, t. Ier, page 2.