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veut ainsi ; qu’il n’y a pas d’autre manière de faire la guerre ; que cette courtoisie chevaleresque que nous réclamons au nom du droit même de la guerre est bonne pour les romans ; que le premier devoir du soldat est le sacrifice ; qu’après tout on ne se bat pas pour la gloire, mais pour des intérêts, et qu’il est de la nature des intérêts, lorsqu’ils entrent en lutte, de fouler aux pieds toute moralité et tout idéal.

Je répondrai toujours que cette prétendue nécessité n’est pas réelle ; que les lois de la guerre ne sont pas plus difficiles à suivre que celles du duel ; quant aux intérêts, que la raison et la justice nous ont été données précisément afin d’établir entre eux l’équilibre, et que la première condition de cet équilibre est le droit de la force. Ah ! de grâce, gardons-nous d’introduire l’utilitarisme dans la guerre, pas plus que dans la morale. La guerre n’a pour elle que sa conscience, son droit, sa bonne renommée ; et vous voyez ce que déjà, par l’effet de fausses notions, elle tend à devenir. Que sera-ce si, dans le cœur des soldats et des généraux, à la place de ce sentiment exalté d’honneur qui les anime, vous mettez l’intérêt ?

Que si, malgré ces considérations irréfutables, on prétendait persister, par paresse d’esprit, manque de cœur ou perversité d’intention, dans un honteux système, alors je dirais qu’il ne faut plus parler ni de droit de la guerre, ni de droit international, ni de droit politique. Plus de liberté, plus de patrie : l’empire du monde est aux plus scélérats.

Quant aux honnêtes gens, mieux vaut pour eux accepter tout ce qui se présente, au dedans l’usurpation, de quelque part qu’elle vienne, au dehors l’insulte et l’amoindrissement, que d’engager des luttes auxquelles il serait impossible de prendre part sans cesser d’être homme. L’ennemi approche : Aux armes, citoyens ; formez vos ba-