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drames. J’use de mon droit quand je soutiens contre les uns que leurs manœuvres sont opposées au droit de la guerre, contre les autres que leurs productions sont en dépit de l’art. Et je suis d’autant mieux fondé dans ma critique, que si le respect de la vie humaine a été dans tous les temps le moindre souci des gens de guerre, la manière de combattre a maintes fois changé, ce qui permet de supposer qu’il doit y en avoir une qui réponde mieux que les autres au but de la guerre et à ses conditions essentielles[1]

  1. J’espère qu’un n’aura pas la mauvaise foi d’abuser de ma réserve pour conclure qu’il n’y a ici rien à faire, et que le plus sage est de maintenir le statu quo. La mission du critique n’implique pas l’obligation de produire des chefs-d’œuvre et de découvrir la vérité ; il n’a fait qu’exercer son droit et il a rempli son devoir, quand il a prouvé que telle œuvre est mauvaise et telle opinion une erreur. Je suis d’autant mieux fondé en cette circonstance à m’abstenir, que j’ai déclaré déjà vouloir autre chose et mieux qu’une simple information des pratiques de la guerre, je veux sa transformation complète.
      Cependant, afin qu’un ne dise pas qu’en faisant la critique de la tactique militaire je condamne les années à l’immobilité, je me permettrai ici une simple indication.
      La guerre, selon moi, est la mesure des forces.
      La mission d’un général est donc d’employer les forces de sa nation de la manière la plus efficace, de leur faire produire tout leur effet, sous les conditions d’honneur, de loyauté et de probité déterminées par le droit.
      Pour remplir une telle mission avec une armée de 100, 000 hommes, pour faire rendre a ces 100, 000 hommes, de diverses armes, tout l’effort dont ils sont capables, et comme individus, et comme groupes, la difficulté est immense. Chacun sait que 10,000 hommes bien employés peuvent en battre 20,000, 30,000 et 100,000, en sorte que, dans le combat le plus loyal, la victoire peut rester au parti le plus faible. Si de semblables défaites n’entraînent pas nécessairement la perte des états, comme je l’ai fait voir pour la guerre de Cent ans entre la France et l’Angleterre, pour la seconde guerre punique, etc., elles ont au moins pour résultat d’ajourner les solutions en châtiant les maladroits, et de faire payer la conquête trois ou quatre fois plus qu’elle n’aurait dû coûter. Là est le vrai problème posé à tout chef d’armée, homme d’action par excellence, mais aussi, redisons-le sans cesse, homme de justice. Or, ce problème est immense. Quel est le reproche que j’adresse après M.Thiers, à Napoléon. Ce n’est pas d’avoir, à l’occasion, triomphé d’une force inférieure à l’aide