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tenant de l’organisation des forces économiques. Or à quoi servirait, pour la solution de ce nouveau problème, la guerre et son tribunal de sang ?

La guerre, pour toute intelligence attentive aux significations de l’histoire, a tenu sa dernière assise de 92 à 1815, dans les campagnes de la république et de l’empire. Ses considérants sont datés de Valmy, Jemmapes, Neerwinden, Fleurus, Toulon, Montenotte, Rivoli, Aboukir, les Pyramides, Saint-Jean-d’Acre, Novi, Zurich, Marengo, Hohenlinden, Austerlitz.Trafalgar, Iéna, Friedland, Baylen, Wagram, Torrès-Vedras, Saragosse, les Arapiles, Vittoria, Borodino, la Bérésina, Leipzig, Paris et Waterloo. Ses conclusions ont été prises par Louis XVIII à Saint-Ouen. Le système constitutionnel, expression de la politique des intérêts, corollaire des fameux traités de 1815, lui a donné son congé. Ce qu’elle a fait depuis, n’est pas, à vrai dire, acte de guerre, c’est œuvre de gendarmerie. La guerre, si on essayait de la faire revivre, serait, pour les peuples sans idéal, un réalisme hideux. Ses soldats ont beau faire, ils n’ont plus d’auréole. Malheur donc, malheur à celui qui, méconnaissant l’esprit du siècle, pousserait la civilisation à de nouvelles luttes ! Malheur à la nation qui, s’oubliant elle-même, demanderait aux armes ce que la science seule, le travail et la liberté peuvent donner !

Comme toute magistrature, la guerre a eu ses abus de pouvoir et ses iniquités. Ses arrêts fourmillent d’irrégularités et d’épouvantables violences. Mais le fond subsiste, et nous oublions, en faveur du droit posé, les vices de forme, la cruauté des exécutions et l’ignominie du butin. Qui soutiendrait aujourd’hui que les sentences rendues, il y a quatre cents ans, tant en matière civile qu’en matière criminelle, fussent injustes et nulles, parce que le juge recevait des épices, parce que les audiences étaient secrètes, que les coupables étaient mis à la torture et leurs biens