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et des couvents, les confiscations exercées par représailles sur les nouveaux religionnaires.etc. Au scandale de l’impiété se joint l’infamie de l’avarice ; la guerre devient diabolique : comment les vainqueurs, quels qu’ils soient, osent-ils chanter des Te Deum ?

Un mot des croisades. L’Islamisme, à le bien considérer, avait droit à la sympathie des chrétiens. C’était la propre religion de Moïse, que Mahomet venait enfin substituer à l’idolâtrie des hordes arriérées du désert. A l’heure même où j’écris, le mahométisme, que refoulent la philosophie et la moralité supérieure de l’Europe, gagne du terrain parmi les peuplades du Soudan, préparant ainsi la voie à la civilisation qui marche à sa suite. La papauté et le califat pouvaient s’entendre. Le Coran n’enseigne nulle part l’intolérance ; il reconnaît la mission de Moïse, celle de Jésus-Christ ; il dit que Dieu a donné à chaque peuple la loi qui lui convient, mais qu’il a envoyé Mahomet aux Arabes. Quoi de plus conciliant ? Laisser Mahomet et ses successeurs achever la défaite de l’idolâtrie ; honorer le prophète devant les populations qui l’écoutaient, l’assister même dans son œuvre : voilà tout ce qu’à un homme d’État philosophe pouvait suggérer l’apparition du nouveau culte. Douze cents ans avant Dupuis, Volney et les exégètes allemands, Mahomet affirmait que, devant Dieu et devant la raison, toutes les religions se confondent. Comment pourraient-elles, disait-il, s’excommunier et se faire la guerre ?

Mais c’est justement en cela que Mahomet a prouvé combien, s’il était sincère, il connaissait peu le cœur humain. Bientôt il ne suffit pas aux Musulmans d’obtenir pour leur religion une place au soleil ; non contents de convertir, par l’argument irrésistible du cimeterre, les tribus du désert, ils aspirent à leur tour à fonder la catholicité des croyances ; eux aussi ils font œuvre de messianisme ; eux aussi ils ont compris.que le temporel est régi par le spiri-