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les haies, les fossés, les arbres, les buissons feront feu sur vous de tous côtés, non feu de file ou de peloton, mais feu qui ajuste, qui tue ; et vous ne trouverez pas, quelque part que vous alliez, une hutte, un poulailler qui n’ait garnison contre vous. N’envoyez point de parlementaires, car on les retiendra ; point de détachements, car on les détruira ; point de commissaires, car… Apportez de quoi vivre ; amenez des moutons, des vaches, des cochons, et puis n’oubliez pas de les escorter ainsi que vos fourgons. Pain, viande, fourrage et le reste, ayez provision de tout ; car vous ne trouverez rien où vous passerez, si vous, passez ; et vous vous coucherez à l’air, quand vous vous coucherez ; car nos maisons, si nous ne pouvons vous en écarter, nous savons qu’il vaut mieux les rebâtir que les racheter ; cela est plutôt fait, coûte moins… Il y a peu de plaisir à conquérir des gens qui ne veulent pas être conquis !… »

Cependant, il y avait dans l’empire, au commencement du cinquième siècle de notre ère, des terres de reste. La corruption et l’exploitation romaines avaient fait le vide. Les terres que les conquérants laissaient incultes n’eût-il pas été juste qu’ils les abandonnassent ? Puis, comment les Romains justifiaient-ils leur propriété ?… Mais Rome ne pouvait rétrocéder sa conquête ; le propriétaire d’ailleurs ne raisonneras avec l’homme sans avoir. Il y aurait honte.

On sait ce qu’il advint de cette grande lutte de la civilisation et de la barbarie. La raison n’était pas toute du côté des civilisés, ni le tort tout entier du côté des barbares. Dans cette incertitude du droit, dans ce partage des dieux, qui devait l’emporter, je ne dis pas naturellement, mais légalement, sinon le plus fort ? C’est ce qui arriva, et le monde s’en trouva bien. Quand la société gréco-romaine tomba en pourriture, ayant perdu l’énergie avec la vertu ; quand d’un autre côté les barbares, se multipliant, s’ins-