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mains, se crurent les plus forts, leur réponse fut celle de Malthus : « Au banquet de la propriété, il n’y a pas de place pour vous. » En termes adoucis cela voulait dire : Que si le globe a été donné en propriété à l’humanité, chaque nation a reçu l’usufruit du territoire qu’elle habite ; que c’est à elle à l’exploiter, à en tirer sa consommation, à mettre sa population en équilibre avec son produit, sauf à se pourvoir de terres inoccupées ; que la demande des hordes était insolite et violait tous les droits acquis. Qu’y a-t-il, après la famille, de plus respectable que le champ des aïeux, de plus sacré que le sol de la patrie ? Barbarus has segetes ! C’est le cri d’indignation qui n’a cessé de retentir en Italie depuis Jules-César jusqu’à Victor-Emmanuel. A toute menace d’invasion, la réponse a été dans tous les temps et sera à jamais celle que Paul-Louis Courier faisait, d’une façon si gaie, aux ministres de la Sainte-Alliance :

« Si vous venez nous piller au nom de la très sainte et indivisible Trinité, nous, au nom de nos a familles, de nos champs, de nos troupeaux, nous vous tirerons des coups de fusil. Ne comptez plus pour nous défendre sur le génie de l’empereur, ni sur l’héroïque valeur de son invincible garde : nous prendrons le parti de nous défendre nous-mêmes, fâcheuse résolution, comme vous savez très-bien, qui déroute la tactique, empêche de faire la guerre par raison démonstrative, et suffit pour déconcerter les plans d’attaque et de défense les plus savamment combinés. Alors, si vous êtes sages, rappelez-vous l’avis que je vais vous donner. Lorsque vous marcherez en Lorraine, en Alsace, n’approchez pas des haies ; évitez les fossés ; n’allez pas le long des vignes ; tenez-vous loin des bois ; gardez-vous des buissons, des arbres, des taillis, et méfiez-vous des herbes hautes ; ne passez point trop près des fermes, et faites le tour des villages avec précaution. Car