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droit des gens, en un véritable assassinat national. — « Si nous étions plus nombreux, plus riches, plus nobles, en un mot plus forts, pouvaient dire les Romains, vous nous trouveriez assez honnêtes gens. Eh bien, nous vous ferons voir que nous sommes forts… » Que serait-il arrivé, si l’amour ne s’était tout à coup fait juge à la place de la force ; si les violées, par respect d’elles-mêmes, ne se fussent jetées, leurs enfants dans les bras, entre leurs maris et leurs pères ? La question renvoyée au tribunal de la force, la guerre s’envenimait ; la fureur ne connaissait plus de lois. C’était la guerre de la famille contre le rapt, de la pudeur contre la violence, de l’honnêteté contre le crime, de la société tout entière contre des individus tarés et chassés de son sein. Tout moyen était bon pour en purger l’Italie, et Dieu sait ce que les Romains, poussés au désespoir, outragés dans leur tentative de régénération, auraient fait de mal à leurs persécuteurs !


Les Barbares. — Si le sanctuaire de la famille a pu être forcé, la terre serait-elle inviolable ? La terre a été donnée à la collectivité des nations ; la même solidarité les enveloppe. Considérés comme exploitants et usufruitiers du globe, nous relevons d’un ordre supérieur aux priviléges de l’habitation et de l’indigénat. Devant cet ordre nous sommes tous comptables, et malheureusement tous en debet. Dans cette anarchie des intérêts que recouvre à peine le vernis, d’une politique arbitraire, qui peut être présumé souverain ? Qui peut se dire propriétaire légitime ? Qui peut exciper de sa bonne foi et de sa possession immémoriale ? Toute propriété, sachons-le bien, implique réciprocité, de plus elle impose au propriétaire l’obligation d’exploiter. Hors de là elle est contestable.

Chassés de leurs forêts par la famine, les Barbares demandaient des terres. Tant que les civilisés, Grecs et Ro-