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de se voir saccagés et brûlés. Quel sentiment, à cette sommation insolente, doivent éprouver les populations ? Ce sera d’abord de faire exécuter, sans forme de procès, le parlementaire ; puis de pénétrer dans le nid de ces corsaires et de les exterminer jusqu’au dernier. C’est ainsi qu’en usaient les Hercule et les Thésée vis-à-vis des brigands leurs émules. Contre de tels malfaiteurs tous les moyens sont honnêtes ; y faire des façons ce serait leur reconnaître un droit, les autoriser. Il ne peut venir à l’esprit de personne qu’une population laborieuse, paisible, arrachant sa subsistance à la terre et à l’eau, doive proposer un duel en règle ou payer tribut. Traiter selon les lois de la guerre de pareils pillards, ce serait assurer l’impunité de tous les crimes. Il suffirait à Cartouche, à Lacenaire et à leurs bandes de se dire en guerre avec la société, pour qu’en cas de défaite ils eussent au moins la vie sauve ! Dans ces conditions il y aurait tout à gagner à exercer le brigandage ; la pire position serait celle des honnêtes gens. Le supplice, non la guerre, parait donc ici de toute justice. Celui qui se place hors des lois du genre humain ne peut en réclamer les garanties : c’est une bête à visage d’homme, un monstre.

Remarquez pourtant que les brigands qu’il s’agit de châtier n’acceptent pas la position qui leur est faite. Ils prétendent que la société tout entière est livrée à l’inégalité, au privilége, à l’exploitation, à l’usure, à la fraude ; que la terre est injustement partagée ; qu’aux uns le beau pays a été donné, tandis que les autres n’ont que la mer, les déserts et les rochers. Ils se prévalent de l’exemple des castes vivant de l’exploitation servile, des rois percevant tribut, des conquérants ravisseurs d’États ; ils constatent l’état de guerre universelle et le règne de la force. De semblables allégations ne sont pas assurément sans réplique, et je crois que le lecteur me dispensera volontiers de les réfuter. Mais elles suffisent à la conscience du forban, qui, sachant