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type, et que l’homme réalise, en lui et autour de lui, l’idéal conçu par sa conscience.

Pourquoi la guerre, le plus grand acte de la vie sociale, celui que l’analyse philosophique nous a fait considérer comme le plus saint et le plus solennel, que l’histoire et la poésie s’accordent à nous montrer comme le plus fécond et le plus glorieux, pourquoi la guerre, sujette à abus comme toutes les choses humaines, ne se réformerait-elle pas ? Pourquoi ne parviendrait-on pas à imposer des lois plus sévères à l’action des armées, comme on le faisait autrefois pour l’ordalie, et comme il se pratique encore pour le duel ?

La chose certes vaut qu’on l’examine : il n’y a pas, parmi les humains, de plus grand intérêt que celui-là. La matière elle-même nous y porte. Le principe de toute réforme, l’élément de droit, se trouve ici : la guerre est le jugement de la force. Divers symptômes semblent indiquer aussi dans la guerre une tendance réformiste : l’adoucissement des mœurs guerrières, l’horreur des massacres, la honte du pillage, l’isonomie acquise d’avance aux pays conquis. Toutes ces considérations sont de nature à faire espérer, avec le temps, une discipline meilleure ; pouvons-nous réellement espérer de ce côté quelque progrès ?

Avant l’examen que nous avons fait, au livre précédent, de la cause première de la guerre, cette question eût été prématurée. Guidés par la puissance des faits politiques et la rigueur du droit qui les régit, nous n’eussions pas manqué de répondre : Oui, la guerre est susceptible de réforme ; car elle est l’expression du droit, la manifestation de la dignité nationale, l’acte souverain du patriotisme, la protestation de la liberté contre la fatalité. La guerre juste, glorieuse, mais déshonorée par la passion, la cupidité et le préjugé, peut se réformer ; elle le doit.

Actuellement, notre réponse ne saurait plus être la