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Réponse. — Les adversaires du militarisme répondent, d’abord, que ce projet de réforme ne détruit pas la cause première de la guerre, ce qui laisse toujours planer sur ses motifs un soupçon odieux ; en second lieu, qu’en admettant que la guerre se fasse à l’avenir pour des raisons purement politiques, sans aucun mélange de cupidité honteuse, que par conséquent elle puisse être réformée en tout ce qui regarde la tactique, la loyauté des combats, le respect des personnes et des propriétés, etc., resterait encore cette question délicate, à savoir la liquidation des frais et indemnités. Or, en droit, il n’est pas dû d’indemnités pour le fait même de la guerre, il n’en est dû que pour les infractions commises contre les lois de la guerre ; en fait, si les indemnités à exiger devaient représenter la totalité des dépenses du vainqueur, elles seraient exorbitantes et se résoudraient en une spoliation totale. La guerre reste donc frappée d’une contradiction, pour ne pas dire d’une ignominie indélébile ; et c’est le reproche de cupidité et de mauvaise foi que les parties belligérantes ne manquent jamais de s’adresser qui, loin d’admettre la possibilité d’une réforme de la guerre, tend à la dépraver de plus en plus, et la rend, en tout état de cause, réciproquement inique. Témoignages historiques ; hypocrisie des motifs officiels.

Pour sortir d’embarras nous observerons : 1° Que la question posée par la guerre est complexe et doit être divisée ; 2° que la question économique doit être traitée avant la question politique ; 3° qu’en matière économique la juridiction de la guerre est incompétente. Un seul parti reste ainsi à prendre, c’est de suspendre les hostilités, et, faisant appel à la raison publique, d’organiser sur d’autres données l’antagonisme humanitaire. En ce sens seulement, la paix, une paix active, émulative, où les forces en se combattant se reproduisent, et où le droit de la force trouve pleine et entière satisfaction, la paix est la conclusion logique de l’évolution guerrière de l’humanité. C’est au droit des gens, à l’économie politique, à l’histoire diplomatique des nations, de dire si et comment il convient de faire dès à présent passer dans les faits ces conclusions de l’analyse et de préluder à la pacification universelle.