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L’humanité, avons-nous dit, est placée sous un ensemble de lois organiques auxquelles elle ne peut se soustraire sans se corrompre et se rendre misérable.

La première de ces lois est la loi d’alimentation, ou mieux de consommation, essentielle à la physiologie de notre être.

La seconde est la loi du travail, par laquelle l’homme ne consomme que ce qu’il se procure, en langage économique, ce qu’il produit.

La troisième est la loi de pauvreté, par laquelle l’homme en travaillant ne produit que ce qui lui suffit. Le but de cette loi est d’élever sans cesse l’homme au-dessus de l’animalité, de le rendre de plus en plus libre, maître de ses sens, de ses appétits et de ses passions, en spiritualisant son existence.

De cette loi de pauvreté, imposée par la prévoyance de la nature, en dérive pour nous une quatrième, qui est la loi de frugalité et de tempérance, par laquelle l’homme conforme son régime domestique à sa destinée sociale.

La cinquième loi, enfin, a pour but de répartir entre les membres de la communauté les services et les produits sur les données précédentes, et de manière à niveler le plus tôt possible les conditions et les fortunes, sans manquer au droit d’aucun : c’est la loi de justice.

Or, qu’arrive-t-il ? Toutes ces lois, par l’effet de l’ignorance populaire, de la suggestion des sens, des illusions de l’idéal et de l’exagération du droit personnel, sont méconnues et violées. La loi de consommation est violée, en ce qu’au lieu d’être considérée comme un moyen, elle est prise pour une fin ; la loi du travail violée, en ce que le travail est regardé comme une infortune et un châtiment, et que chacun cherche à s’en décharger sur le prochain, ce qui produit l’esclavage et le prolétariat ; la loi de pauvreté violée, par la fascination de la richesse ; la loi de tempé-