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time fait la conquête d’Alger. On y saisit quelques millions sur lesquels on ne comptait guère ; puis on se hasarde, par les ordonnances de juillet, à faire une nouvelle traite sur la révolution, qui cette fois refusa de payer.

Parlerai-je du gouvernement de Louis-Philippe, surnommé la paix à tout prix ? Que lui ont valu les campagnes d’Afrique, la prise d’Anvers, l’occupation d’Ancône ? Rien, si ce n’est de se soutenir, tant bien que mal, à travers les conspirations, les insurrections, le mépris croissant, la misère grondante. Tout ce qu’on peut dire, c’est qu’en dix-huit ans la guerre, que nous n’avons faite à personne, nous a enlevé, à la pointe de la baïonnette, une somme d’au moins six milliards.

Maintenant où en sommes-nous ? La gloire, depuis 1852, a de nouveau couronné nos armes ; mais la question n’est pas là. La France entretient une armée de six cent mille hommes ; les autres puissances, chacune selon ses moyens, l’imitent. Que nous ayons ou que nous n’ayons pas la guerre, que nous soyons vainqueurs ou vaincus, le résultat sera celui-ci : les conquêtes, par le fait de l’isonomie qu’on ne refuse plus aux pays incorporés, et par celui des libertés politiques devenues le patrimoine commun des nations, donnant zéro de bénéfice, il reste que les armées, qui aux termes du droit de la guerre devraient vivre de la guerre et enrichir leurs patries respectives, se nourrissent de la substance de leurs peuples. Sur un budget d’un milliard neuf-cent vingt-neuf millions, le département de la guerre en absorbe six cents. C’est ce qu’on appelle la paix armée. Lors de l’expédition de Crimée le gouvernement a emprunté, en sus du budget, un milliard cinq cents millions ; la guerre de Lombardie a exigé un supplément de cinq cents millions, total deux milliards en cinq ans. Ajoutez les pensions, les dotations, la caisse de l’armée, et cet éternel décime de guerre que Napoléon Ier, malgré son