Page:Proudhon - La Guerre et la Paix, Tome 2, 1869.djvu/198

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

emparée de l’Inde ; l’Angleterre, qui prévoit par toute l’Europe et jusque dans son propre sein une guerre sociale, qui redoute une descente du prolétariat français, qui, après avoir dévoré la plèbe irlandaise et la plèbe écossaise, ne peut pas nourrir la sienne ; l’Angleterre arme ses côtes, fond des canons, augmente sa marine de guerre, exerce ses volontaires, enfle son budget, élève son escompte (sans doute par application de sa théorie du libre échange), et se met en mesure de repousser par le fer et par le feu quiconque parlerait de toucher à son trafic, à ses conquêtes, à ses monopoles. La misère a été effrayante, cet hiver, dans la Grande-Bretagne : jamais cependant la nation britannique n’a autant produit. Question de subsistance : cas de guerre.


Après la France et l’Angleterre, vaut-il la peine de citer le reste ? La Russie, avec son immense territoire, et justement à cause de l’immensité de son territoire, se sent mal à l’aise. En Asie, elle pèse sur la Chine, sur l’Inde et sur la Perse, où tôt ou tard elle rencontrera les Anglais. Elle tient le Caucase, une partie de l’Arménie ; ses colons s’avancent, par la côte d’Asie, jusque près de Constantinople. Elle a fait de la mer Noire un lac russe, et elle tend à s’ouvrir une route, par l’Euphrate et le Tigre, jusqu’au golfe Persique. En Europe, le terme de son ambition est Constantinople. Constantinople serait pour la Russie, comme Pétersbourg. une porte, un magasin, un marché, une place d’armes. L’empire ottoman est mort, dit l’Invalide russe ; l’heure est venue de renvoyer les Turcs dans les pâturages du Turkestan. Il faut un débouché à ces vingt millions de serfs que vient d’émanciper l’empereur. Il faut du trafic, de la spéculation, des emplois à ces boyards qui demain n’auront plus de serfs. Il faut de l’argent à cet État tou-