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époque et depuis 1825, le régime industriel avait rendu le paupérisme plus sensible ; déjà paraissaient les journaux et publications socialistes, accusant la misère, parlant de production, de richesse, de répartition, de tout ce qui pouvait enflammer les appétits et les colères. Les souvenirs, les passions et les intérêts de 89 furent l'âme de la révolution de juillet.

La révolution de 1848 s’inspira plutôt de celle de 93. Los affaires se traînent, le travail languit, la corruption rend la gêne plus insupportable, la bourgeoisie, inquiétée, se montre impatiente. Les masses, échauffées par les idées de Babeuf et par la propagande socialiste, réclament des droits politiques, seul moyen, leur dit-on, qu’elles puissent avoir de conquérir le travail et le pain. On a admiré le jugement providentiel qui, après avoir frappé Charles X, s’était appesanti sur Louis-Philippe. La même faim-valle qui avait renversé la monarchie légitime renversa la monarchie citoyenne : voilà tout le mystère.

En 1851, le mouvement s’opère en sens inverse. L’avarice réactionnaire appuie le coup d’État contre la république sociale, incessamment décimée depuis trois ans par la fusillade, la transportation, la prison, le bannissement. Le coup d’État réussit d’autant mieux que, tandis que les conservateurs l’accueillent comme une sauvegarde, le peuple l’accepte comme un protectorat.

Il en est ainsi de toutes les révolutions, politiques, sociales, religieuses, qui composent l’histoire des nations. Toutes, quelle que soit l’idée qui leur sert de formule, portent sur des intérêts. Or, qui dit intérêt, en pareil cas, dit gêne, privilége, parasitisme, famine.

Lorsque la Réforme éclata au seizième siècle contre l’Église, le mal-être était universel, et depuis plus de deux siècles la clameur publique en accusait l’Église. L’Église, outre le revenu de ses biens fonciers, percevait des con-