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prétendent, l’art de détruire les forces de l’ennemi ? Soit. L’histoire abonde en sujets qui se sont signalés dans cet art horrible ; et si c’était le lieu de nous étendre sur la stratégie, la tactique, la poliorcétique, la balistique, nous constaterions qu’en effet, d’après ses praticiens comme d’après ses théories, la guerre n’a pas eu jusqu’à présent d’autre objet. Mais qu’on ne nous parle plus alors du droit de la guerre. Le droit de la guerre, principe de tout héroïsme, et dont la renommée des conquérants ne saurait se passer, est une fiction atroce qui a cela de particulier qu’elle fait des représentants de la force autant de tartufes. De toutes les hypocrisies, la plus lâche n’est-elle pas, en effet, celle de la bravoure recourant à l’astuce et à la trahison ?

Au contraire, la guerre est-elle, comme nous le soutenons, et comme le sentaient d’instinct les vieux enfants de Romulus, le jugement de la force ? La guerre alors, de même que le combat judiciaire et le duel, a ses règles d’honneur ; elle a son droit, qui ne consiste pas en de vaines démonstrations de philanthropie ou de sournoises formalités, mais qui se déduit logiquement de l’idée même de la guerre, qui subsiste malgré les infractions des guerriers, et que l’histoire sanctionne, en confirmant les faits de guerre accomplis en conformité de ce droit, ou les annulant et les punissant lorsqu’ils lui sont contraires.

Il n’y a pas une tierce opinion à suivre : il faut opter.

D’un côté la guerre franche, morale, féconde, guerre qui honore la défaite autant que la victoire, et fait vivre ensemble, comme des frères, les vainqueurs et les vaincus ; de l’autre la guerre perfide et stérile, qui dégénère en sauvagerie et brigandage, et rend les haines de peuple à peuple irréconciliables.

Aux faits signalés dans le précédent chapitre, nous allons enjoindre d’autres, non moins graves.