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comme je l’ai dit, que les caractères qui traduisent aux yeux du corps les conceptions de l’esprit.

Suivons cette génération mystérieuse du paupérisme et de la guerre, je veux dire la guerre dépravée, les deux plus grands fléaux qui déciment le genre humain.

Sorti de l’abondance du premier âge, obligé de travailler, apprenant par la peine qu’elles lui coûtent à donner une valeur aux choses, l’homme a été saisi par la fièvre des richesses : c’était, dès le premier pas, se fourvoyer dans sa route.

L’homme a foi à ce qu’il appelle la fortune, comme il a foi à la volupté et à toutes les illusions de l’idéal. Par cela même qu’il est tenu de produire ce qu’il consomme, il regarde l’accumulation des richesses, et la jouissance qui s’ensuit, comme sa fin. Cette fin, il la poursuit avec ardeur : l’exemple de quelques enrichis lui fait croire que ce qui est laissé à quelques-uns est accessible à tous ; il regarderait comme une contradiction de la nature, un mensonge de la Providence, qu’il en fût autrement. Fort de cette induction de son esprit, il s’imagine qu’il peut augmenter indéfiniment son avoir, retrouver, sous la loi des valeurs, l’abondance primitive. Il amasse, il accumule, il thésaurise ; son âme se rassasie, s’assouvit en idée. Le siècle actuel est pénétré de cette croyance, plus folle que toutes celles qu’elle a la prétention de remplacer. L’étude de l’économie politique, science toute moderne et fort peu comprise encore, y pousse les esprits ; les écoles socialistes se sont à l’envi signalées dans cette orgie du sensualisme ; les gouvernements favorisent de leur mieux l’essor et le culte des intérêts ; la religion elle-même, si sévère autrefois dans son langage, semble y donner les mains. Créer de la richesse, faire de l’argent, s’enrichir, s’entourer de luxe, est devenu partout une maxime de morale et de gouvernement. On est allé jusqu’à prétendre que le