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vient à se soustraire qu’aux dépens des autres, dont la solde du soldat et du marin et généralement tout salaire d’ouvrier sont des applications, et qui nous a faits en définitive tout ce que nous valons, tout ce que nous sommes. La pauvreté est la vraie providence du genre humain.

Il est donc prouvé par la statistique qu’une nation comme la nôtre, placée dans les meilleures conditions, ne produit bon an mal an que ce qui lui suffit. On peut faire la même observation sur chaque pays : partout on arrivera à cette conclusion, dont il serait à désirer que nous fussions tous pénétrés, que la condition de l’homme sur la terre, c’est le travail et la pauvreté ; sa vocation, la science et la justice ; la première de ses vertus, la tempérance. Vivre de peu en travaillant beaucoup et en apprenant sans cesse, telle est la règle dont il appartient à l’état de donner aux citoyens l’exemple.

Répétera-t-on que ce revenu de 87 cent. 5 par jour et par tête n’est pas le dernier mot de l’industrie, et que la production peut être doublée ? Je répliquerai que si la production est doublée, la population ne tardera pas à l’être à son tour, ce qui n’amène aucun résultat. Mais considérons de plus près la chose.

La production a sa raison et son mobile dans le besoin. Il y a donc un rapport naturel entre le produit à obtenir et le besoin qui sollicite le producteur. Pour peu que le besoin faiblisse, le travail à son tour faiblira, et nous verrons diminuer la richesse : cela est inévitable. Supposant en effet que, le besoin diminuant, la production reste la même : comme alors les produits, moins demandés, diminueraient de valeur, ce serait exactement comme si une fraction de ces produits n’avait pas été produite.

Les besoins sont de deux sortes : besoins de première nécessité, et besoins de luxe. Bien qu’aucune ligne de dé-