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nous avons parcouru, nous n’y trouvons rien qui explique le caractère de férocité, de perfidie et de rapine que la guerre, contrairement à sa notion, a de tout temps revêtu. Loin de là, il semble que tout, dans son principe, dans ses motifs, dans ses conditions, dans son objet, soit de nature à élever les âmes, à les porter à l’héroïsme plutôt qu’à donner l’essor aux passions brutales, la cruauté, la luxure, le brigandage.

Ainsi nous avons constaté l’existence d’un droit, par suite la nécessité d’une juridiction de la force. Qu’y a-t-il là d’injurieux ou d’ignoble, qui, en ravalant la dignité humaine, la révolte, la pousse à la vengeance et au crime ? Rien absolument ; l’amour-propre le plus susceptible n’y trouverait pas même prétexte de s’irriter. La plus humiliante des dominations est assurément celle de la force aveugle opprimant l’esprit et la liberté : or, tel n’est pas le cas de la guerre. La guerre présuppose l’existence d’un droit de la force, le corrélatif du droit de l’intelligence, du droit du travail et de toute espèce de droit, et qui a son application principale, solennelle, dans les rapports d’état à état. Expression du droit de la force, la guerre a pour but de déterminer, en conséquence, par la lutte des forces rivales, à laquelle de deux puissances compétitrices, doit appartenir, quoi ? le sceptre de l’intelligence ? non ; la supériorité industrielle ? non ; la palme de l’art ? non, non ; la prépondérance politique, ce qui veut dire, la direction des forces. Ici, droit et force deviennent termes identiques ; dès lors où est l’injure, où la honte et l’humiliation ? Une seule passion, celle du patriotisme, anime les combattants ; convaincus de la légalité, de la haute moralité du combat, ils l’entourent de toutes les formes légales et solennelles : par quelle aberration ce combat, pieux, sacré, va-t-il dégénérer en pillage, dévastation, assassinat ?

Est-ce dans les motifs de la guerre que nous devons