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des catastrophes. Après la tempête le calme : toute période de guerre finit par là.

« La révolution moderne appelait les gentils comme » les juifs au partage de la lumière et de la fraternité. » Aussi n’y eut-il pas un de ses apôtres qui ne proclamât la paix entre les peuples. Mirabeau, Lafayette, Robespierre lui-même, effacèrent la guerre du symbole qu’ils présentaient à la nation. Ce furent les factieux et les ambitieux qui la demandèrent plus tard ; ce ne furent pas les grands révolutionnaires. Quand la guerre éclata, la révolution avait dégénéré[1]. »

Qui dit poète, dit interprète des dieux. J’accepte, à titre d’oracle, ces dernières paroles de M. de Lamartine. Mais à quand l’accomplissement ? Voilà ce que nous voudrions savoir. Entre-temps, je ne puis m’empêcher de faire des réserves en faveur des révolutionnaires de 92, qui, malgré la cour et malgré Robespierre, prirent l’initiative de la lutte et firent décréter la guerre à la contre-révolution, représentée alors par l’étranger. Non, ceux qui firent l’appel aux armes ne furent ni des ambitieux ni des factieux ; ils avaient, au contraire, plus que Robespierre et ses amis, le vrai sentiment de la Révolution. Qu’eût-elle donc été cette Révolution, sans la sanction du sang et de la victoire ? La guerre est divine ; la guerre est justicière ; la guerre est régénératrice des mœurs ; comment M. de Lamartine, qui se connaît si bien ès choses divines, l’a-t-il oublié ? Grâce, s’il vous plaît, pour les guerres de la Révolution !

La guerre est la plus ancienne de toutes les religions : elle en sera la dernière.

J’entreprends d’expliquer aujourd’hui ce que la philosophie, par une inadvertance dont je dirai la cause, a laissé

  1. Passage cité par M. Emile de Girardin, dans sa brochure sur le Désarmement général, p. 52.