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nome ? Que devient, dans sa sieste éternelle, le genre humain ? C’est en vain qu’une philanthropie oiseuse se lamente sur les hécatombes offertes au Dieu des batailles ; c’est en vain qu’un mercantilisme avare étale, à côté de ses immenses produits, de ses chemins de fer, de sa navigation, de ses banques, de son libre échange, les consommations effroyables que la guerre traîne à sa suite, l’embrasement des villes, la dévastation des campagnes, le désespoir des mères, des épouses, des jeunes filles, la dépopulation, la dégénérescence des races, le retard des sociétés dans la production de la richesse et l’exploitation du globe. Tant que les imaginations et les consciences ne seront pas autrement intéressées à la nier, tant qu’elle n’aura contre elle que des pertes d’hommes et d’écus, des affaires stagnantes, des fonds en baisse et des banqueroutes, la guerre ne s’en ira pas ; il y aura même, dans les régions haute et basse de la société, une certaine animadversion contre ceux qui la combattent, j’ai presque dit qui la calomnient.

Faites, si vous le pouvez, que ce fanatisme surnaturel, ce culte de la force, auquel la philosophie n’a jusqu’à ce jour rien compris, soit atteint dans sa moralité et dans son idéal ; ôtez à la guerre ce prestige qui fait d’elle le pivot de toute poésie, le fondement de toute organisation politique et de toute justice : alors vous pourrez espérer de l’abolir, et, par les affinités que nous lui avons découvertes, d’abroger avec elle ce qui reste de préjugé et de servitude sur la terre.

« Nous sommes, a dit quelque part M. de Lamartine, à une des plus fortes époques que le genre humain puisse franchir pour avancer vers le but de la destinée divine ; à une époque de rénovation et de » transformation pareille peut-être à l’époque évangélique… Nous allons à