Les esprits enclins au mysticisme, tels que le comte de Maistre et M. de Ficquelmont lui-même, satisfaits d’avoir aperçu ces grandes choses, aiment à se tenir dans le demi-jour. Le divin les charme ; la vérité pure, telle que la veut la philosophie, est pour eux sans attrait, une réalité triste, qu’on cesse d’admirer dès qu’on la possède. Il y a grave péril, selon eux, à ôter à l’homme ses admirations, à faire évanouir à ses yeux, l’un après l’autre, tous les mystères.
Ces réflexions pouvaient encore être de mise au temps de Bossuet. Après la philosophie du xviii e siècle et la critique allemande, après la Révolution française et l’institution d’une Académie des Sciences morales et politiques, après l’explosion du socialisme, il n’est plus temps. Pareille réserve nous est désormais interdite ; ce serait manquer à notre destinée et à notre devoir. Puis donc que notre condition est de mordre toujours au fruit de la science, mordons, dussions-nous trois fois en mourir.
Qu’est-ce que la guerre ? Un accident, une forme passagère, ou un mode nécessaire de notre existence ? La guerre, thèse ou antithèse de la paix, est-elle une de ces antinomies constitutives, dont il est aisé de faire la critique, en se plaçant tantôt à l’un des extrêmes, tantôt à l’autre, mais que rien ne peut détruire parce qu’elles tiennent à l’essence de l’humanité, et qu’elles sont une des conditions de sa vie ? Avons-nous chance, par une constitution quelconque des états, par une pratique meilleure du droit des gens, de la faire cesser tout à fait, ou bien n’est-elle susceptible que d’amélioration et de perfectionnement ? Que faut-il alors entendre par amélioration, perfectionnement, ou progrès dans la guerre ? Cela signifie-t-il que la guerre doit devenir de plus en plus atroce, ou bien que marchant avec la civilisation, elle doit augmenter en nous, avec le