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CHAPITRE IX


PROBLÈME DE LA GUERRE ET DE LA PAIX


La guerre, nous n’en saurions maintenant douter, est avant tout un phénomène de notre vie morale. Elle a son rôle dans la psychologie de l’humanité, comme la religion, la justice, la poésie, l’art, l’industrie, la politique, la liberté, ont le leur ; elle est une des formes de notre vertu. C’est dans la conscience universelle que nous devons l’étudier, non sur les champs de bataille, dans les siéges et les chocs des armées, dans les procédés de la stratégie, de la tactique et de l’armement. Tout ce matérialisme, qui remplit les récits des historiens, qui fait le fond des tableaux des poëtes, est à peu près inutile ; il ne peut rien nous apprendre de la philosophie de la guerre. La guerre est une des puissances de notre âme ; elle a sa phénoménalité dans notre âme. Tout ce qui compose notre avoir intellectuel et moral, tout ce qui constitue notre civilisation et notre gloire, se crée tour à tour et se développe dans l’action fulgurante de la guerre et sous l’incubation obscure de la paix. La première peut dire à la seconde : « Je sème ; toi, ma sœur, tu arroses ; Dieu donne à tout l’accroissement. »