politique de paix à tout prix. Qu’aurait gagné, cependant, le pays à la guerre ? Rien, sinon peut-être d’assouvir l’ardeur martiale d’une génération surexcitée ; rien, dis-je, nous l’avons vu par les résultats des deux guerres de Crimée et de Lombardie ; rien, rien.
Ainsi, la guerre et la paix, corrélatives l’une à l’autre, affirmant également leur réalité et leur nécessité, sont deux fonctions maîtresses du genre humain. Elles s’alternent dans l’histoire, comme, dans la vie de l’individu, la veille et le sommeil ; comme dans le travailleur la dépense des forces et leur renouvellement, comme dans l’économie politique la production et la consommation. La paix est donc encore la guerre, et la guerre est la paix : il est puéril de s’imaginer qu’elles s’excluent.
« Il y a des gens, dit M. de Ficquelmont, qui ont l’air de concevoir la marche du monde comme un drame divisé en actes. Ils croient que pendant les entr’actes ils peuvent se livrer, sans crainte d’être troublés, à leurs plaisirs et à leurs affaires privées. Ils ne voient pas que ces intervalles, pendant lesquels les événements semblent interrompus, sont le moment intéressant du drame. C’est pendant ce calme apparent que se préparent les causes du bruit qui se fera plus tard. Ce sont les idées qui forment la chaîne des temps. Ceux qui ne voient que les grosses choses, qui n’entendent que les détonations, ne comprennent rien à l’histoire[1]. »
Redisons donc ici, par forme de conclusion sur la paix, ce que nous avons dit au commencement de ce livre en parlant de la guerre :
La paix est un fait divin ; car elle est restée pour nous un mythe. Nous n’en avons jamais vu que l’ombre, nous n’en connaissons ni la substance ni les lois. Personne ne
- ↑ Pensées et réflexions morales et politiques, par M. De Ficquelmont.