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de toucher aux armes, il déshonorerait le combat. Que si son maître lui permet de s’armer, par cela seul il devient libre, qui plus est, il s’anoblit.

La Révolution avait aboli la noblesse : les hommes de 89 se flattaient, dans leur enthousiasme, de fermer le temple de Janus et de clore l’âge guerrier. Napoléon refit des nobles ; guerrier, il suivait son principe, comme la Révolution avait dû suivre le sien. Que pouvait être la noblesse après le serment du Jeu de paume, après la nuit du 4 août, alors que le tiers état, l’ouvrier et le bourgeois, étaient tout ? Plus rien. Mais, en 1805, dans le feu des batailles, la situation était changée. Aussi le peuple accepta le rétablissement de la noblesse et l’institution de la Légion d’honneur comme des actes de haute justice. Qui dit armée, dit noblesse : seulement, tandis qu’autrefois noblesse et guerre étaient privilége de caste, grâce à la conscription elles étaient devenues, en 1805, accessibles à tous les Français. Quel triomphe pour la multitude de saluer l’os de ses os, la chair de sa chair, dans un duc de la Moskowa, dans un prince d’Essling, dans un roi de Naples !

Comment s’étonner, après tout ce que je viens de dire, que le chef de l’État doive être toujours, au jugement du peuple, un homme de guerre, le prince des héros, le fort entre les forts, le noble des nobles ? La Charte de 1814, celle de 1830, de même que les Constitutions de 1791, 1799 et 1804 ont consacré ce principe !

« Le roi, ou l’empereur, commande les armées. »

« Nous allons voir maintenant, disait Napoléon peu de temps après son arrivée à Sainte-Hélène, ce que fera Wellington. » Il entendait que lord Wellington, étant le premier général de l’Angleterre et ayant vaincu pour elle, devait être le maître du gouvernement. Cet homme épique ne concevait-rien au bourgeoisisme de la mercantile Angle-