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qui excommunie !… Ah ! si le Nazaréen, dont la parole entraînait la multitude, avait pu donnera sa religion la sanction des armes !…Tant de grandeur n’est point accordée à de simples mortels : le même sujet ne saurait réunir en sa personne les qualités du héros et du saint, de l’empereur et du pontife. Aussi quel découragement s’empare des masses, quand l’éclat de l’action ne répond pas à son gré à celui de la parole ! Quel scandale, au premier moment, lorsqu’à la place du guerrier annoncé par les sibylles, les missionnaires de l’Évangile proposèrent à l’adoration des mortels leur maître crucifié ! Jésus, le Christ des esclaves, souffreteux, désarmé, cloué sur un gibet, Jésus fut traité en antichrist. Le véritable Christ, pour les masses, c’est Alexandre, César, Charlemagne, Napoléon.

Le mot héros, que nous avons conservé du grec, est un augmentatif qui désigne l’homme fort, dévoué, sans peur ni reproche. Un dieu est avec lui, un dieu préside à toutes ses exécutions. Lui-même il est fils des dieux, il participe des deux natures. Le dogme de l’incarnation est sorti de cette notion de l’héroïsme :

Cara Deûm soboles, magnum Jovis incrementum.

Le juge naturel de l’homme est la femme. Or, qu’estime surtout la femme dans son compagnon ? Le travailleur ? non ; l’homme de guerre. La femme peut aimer l’homme de travail et d’industrie comme un serviteur, le poêle ou l’artiste comme un bijou, le savant comme une rareté. Le juste elle le respecte ; le riche obtiendra sa préférence : son cœur est au militaire. Aux yeux de la femme, le guerrier est l’idéal de la dignité virile. C’est quand elle le voit armé pour le combat qu’elle l’appelle son seigneur, son baron, son chevalier, son vainqueur. Et comme l’amour se témoigne par l’imitation, elle aussi veut devenir guer-