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tection divine. L’onction du guerrier a servi de modèle à celle du prêtre ; c’est à son imitation encore que fut institué, comme l’a très-judicieusement observé Volney, le sacre des rois. Le guerrier est sacré pour la défense du droit, pour la punition du crime et la protection du faible : telle est la première forme de la justice dans la société. Jusqu’à ce que l’État s’organise, vous avez une chevalerie, on pourrait dire tout aussi bien une justice errante. C’est pour cela que le guerrier marche la tête haute, son casque surmonté d’une aigrette, sa cuirasse étincelante. Il ne se dissimule pas dans la foule, il ne se déguise pas sous la casaque du mercenaire. Tout son désir est d’être de loin reconnu, et de se mesurer contre un adversaire aimé des dieux, dèion adra, et digne de lui, entre deux armées, sous le regard du soleil.

La gloire sied à l’homme de guerre et ne sied qu’à lui ; c’est pour lui qu’ont été inventés le mot et la chose. Quand l’écrivain sacré raconte la gloire de Dieu, c’est qu’il le compare à un guerrier. Le peuple n’attend son salut que de ce prédestiné et n’a foi qu’en lui. Le philosophe intéresse le peuple, lorsque toutefois il réussit à s’en faire comprendre ; le poète le touche et l’enchante ; le guerrier seul s’en fait suivre, parce que seul, aux yeux du peuple, il paraît d’une taille surhumaine. Est-ce Mazzini, un sectaire ; est-ce M. de Cavour, un diplomate, qui, l’année dernière, a entraîné les Italiens ? Non, c’est un héros, c’est Garibaldi.Le peuple grandit, idéalise toujours ses hommes ; surtout il n’oublie pas de leur donner le casque, l’épée et le bouclier. Il les fait beaux, vaillants et victorieux. Ah ! si Robespierre avait su monter à cheval ! Si Jérôme Savonarole, au lieu du manteau de dominicain, avait endossé la cuirasse d’un Trivulce, d’un Gonzalve ou d’un Bavard !… Ah ! si la Papauté avait, comme le Califat, tenu de la même main le glaive qui verse le sang et celui