Page:Proudhon - La Guerre et la Paix, Tome 1, 1869.djvu/75

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

rier qui insulte son ennemi, qui use avec lui d’armes illicites ou de moyens réprouvés par l’honneur, est appelé guerrier félon : c’est un assassin.

Ainsi la guerre est inhérente à l’humanité et doit durer autant qu’elle ; elle fait partie de sa morale, indépendamment même de son mode de manifestation, des règles qui président au combat, de la détermination des droits du vainqueur et des obligations, du vaincu. Non-seulement elle ne diminue pas, bien que, comme tout ce qui tient à l’humanité, elle change avec le temps d’aspect et de caractère : mais, comme l’incendie, qui ne s’arrête que lorsqu’il manque de combustible ; comme la vie, qui ne s’éteint que par la privation d’aliment, la guerre se multiplie et s’aggrave parmi les peuples en proportion de leur développement religieux, philosophique, politique et industriel ; elle ne paraît pouvoir s’éteindre que par l’extinction de la vie morale elle-même. Les mêmes causes organiques et animiques qui créent entre nous la contradiction et l’antagonisme, veulent que cet antagonisme soit éternel, qu’il se développe en raison des connaissances et des talents acquis, des intérêts engagés, des amours-propres en jeu, des passions en conflit.

Bien entendu, d’ailleurs, qu’à travers tout cela la vertu et l’honneur doivent rester saufs. La guerre n’a rien de commun avec les actes que la morale ordinaire réprouve ; rien de ce qui peut tomber sous le coup de la justice pénale n’est de son ressort. Il n’y a ni guerre ni duel entre le fripon et l’honnête homme ; le jugement de Dieu, comme on disait jadis, requiert avant tout probité, féauté et bonne conscience. C’est ce caractère vertueux et chevaleresque de la guerre que n’a point aperçu Hobbes, qui, après avoir judicieusement reconnu que la guerre est immanente à l’humanité, et pour ainsi dire son état naturel, se contredit aussitôt en disant que cet état de nature est un état