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institutions du militarisme, contre sa poésie, contre ses mœurs. Mais c’est que je crois, non point à une abolition, mais à une transformation de la guerre, et par là seulement à une rénovation intégrale des conditions de l’humanité en tout ce qui touche la religion, les idées, le droit, la politique, l’art, le travail, les relations dû famille et de cité. Sans cette foi intime, que je tiens de la Révolution, je m’abstiendrais, comme d’un blasphème, de toute parole contre la guerre ; je regarderais les partisans de la paix perpétuelle comme les plus détestables des hypocrites, le fléau de la civilisation et la peste des sociétés.

    affecte de tirer ses bottes devant le feu ; il lève ses jambes contre la cheminée, empuantit ses voisins, s’empare, à table, des plats qui lui conviennent et les place devant lui, comme si c’étaient des articles de magasin, et se permet toutes suites de vilenies pareilles. N’est-il pus libre ? La table d’hôte n’est elle pus un marché ? Ne paye-t-il pas ce qu’il achète ? Faites comme lui : Défendez vous vous-même. Une honorable femme de lettres anglaise les a tant bernés, qu’ils commencent, dit-on, à se polir un peu. Nombre de ces aventuriers sont redevenus sauvages, et mènent avec passion la vie des forêts. Ce sont d’héroïques assassins ; je voudrais savoir s’ils tiendraient en ligne devant nos soldats civilisés.
      Le vrai mérite de la société américaine est dans la vie de famille, développée au plus haut degré, entourée de toutes les garanties, et dont il sera aisé de faire un succédané de la religion, lorsque les études auront répandu davantage parmi les masses l’esprit philosophique. Joignez-y cette liberté a outrance, dont le ridicule est facile à corriger, mais qui me semble destinée à servir de contre-poids aux instincts monarchiques, communistes et gouvernementalistes de l’ancien continent, et qui, sous ce rapport, exerce déjà une influence puissante sur la civilisation générale. C’est par ces deux grandes forces, la famille et la liberté, bien plus que par son énergie prolifique et son opulence fabuleuse, que l’Amérique du Nord peut espérer, dans le siècle présent, de balancer l’Europe. L’avenir décidera du reste.