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CHAPITRE V


LA GUERRE, RÉVÉLATION DE L’IDÉAL


Point de peuple qui n’ait eu sa Bible ou son Iliade. L’épopée est l’idéal populaire, hors duquel il n’existe pour un peuple ni inspiration, ni chants nationaux, ni drame, ni éloquence, ni art. Or, l’épopée repose tout entière sur la guerre… Eh ! quoi, sages pacificateurs, allez-vous, par excès de zèle, réduire la poésie au cadre de Théocrite et de Florian ? Mais cela même vous ne le pourriez pas. Aux tendres bergeries, il faut le contraste des scènes guerrières. Sentez-vous maintenant combien la guerre est essentielle à notre nature, en songeant que sans elle, non-seulement l’homme n’eût rien conçu de la religion et de la justice, il serait encore privé de sa faculté esthétique, il n’aurait su produire, goûter le sublime et le beau ?

Mais je dois revenir sur une objection, à laquelle il faut une bonne fois répondre.

« C’est toujours, me dit-on, le même sophisme : Post hoc, ergo propter hoc. Parce que l’état primitif de l’homme a été la sauvagerie et la guerre, on veut que la guerre soit