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que nous avançons dans cette revue, qu’au fond ces trois mots, dans l’esprit des masses, sont synonymes.

Je poursuis.

C’est par les idées de souveraineté, d’autorité, de gouvernement, de prince, de hiérarchie, de classes, etc., que s’introduit dans la multitude humaine la notion du droit. Or, tout cela dérive de l’idée d’armée, par conséquent implique toujours l’idée de guerre. L’égalité vient à la suite : que signifie l’égalité ? Que chaque citoyen jouit, vis-à-vis de ses semblables, du droit de guerre, en autres termes, du droit de libre concurrence, garanti par l’abolition des jurandes et maîtrises. L’état social est donc toujours, de fait ou de droit, un état de guerre. En cela, je n’affirme rien de moi-même, j’expose ; et il faudrait être aveugle volontaire pour nier l’exactitude de mon exposition.

Oui, la guerre est justicière, en dépit de ses ignorants détracteurs. Elle a ses formes, ses lois, ses rites, qui ont fait d’elle la première et la plus solennelle des juridictions, et desquels est sorti le système entier du droit : Droit de la guerre et de la paix ; Droit des gens ; Droit public ; Droit civil ; Droit économique ; Droit pénal. Qu’est-ce que le débat judiciaire ? Le mot l’indique, une imitation de la guerre, une guerre non sanglante, un combat. Pourquoi des juges ? Ah ! c’est que, dans le combat véritable à main armée, la victoire rend témoignage du droit ; tandis que, dans le débat oral, il faut des arbitres, de même qualité que les plaideurs, et qui attestent et jurent que le droit, autant qu’il est permis de s’en rapporter a raison, est de ce côté-ci, qu’il n’est pas de ce côté-là.

Cette affinité de la justice et de la guerre se révèle jusque dans les choses de l’ordre économique, qui pourtant en semblent la négation. Est-ce que l’esclavage, sur lequel reposait presque tout entière la production chez les anciens, n’est pas la guerre ? Et le servage, qui a remplacé